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Essai Philosophie Portraits

Elizabeth Anscombe, philosophe radicale


par Vincent Boyer & Rémi Clot-Goudard , le 23 février 2021


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Penser les problèmes à la racine : c’est ce qu’Elizabeth Anscombe s’est proposé de faire, considérant que les questions philosophiques, particulièrement en philosophie pratique, devaient être traitées pour elles-mêmes et non à travers leur réception érudite.

Philosophe britannique née en 1919 et décédée en 2001, il y a tout juste vingt ans, Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe est souvent associée au nom et à la trajectoire de Ludwig Wittgenstein (1889-1951). Après sa graduation en 1941 à St Hugh’s College, Oxford, elle partit pour Cambridge où elle rencontra le philosophe viennois, dont elle fut l’étudiante, puis l’amie et enfin l’une des exécuteurs testamentaires à sa mort. Elle fera énormément pour défendre et faire connaître la pensée de Wittgenstein : des traductions élégantes – dont celle des Recherches philosophiques qui a longtemps fait autorité en anglais –, des articles et un livre sur le Tractatus logico-philosophicus (1921) [1], qui explique le projet de cet ouvrage difficile en marquant son lien avec les travaux de Gottlob Frege (1848-1925) et Bertrand Russell (1872-1970).

Mais Anscombe était elle-même de plein droit une philosophe originale, profonde et radicale, car désireuse de penser tous les problèmes un par un, à la racine c’est-à-dire en repartant à chaque fois de zéro [2]. Marquée par Wittgenstein, lectrice assidue d’Aristote, de Thomas d’Aquin et des grands philosophes de la tradition comme Descartes ou Hume, elle renouvela de manière féconde des pans entiers de la philosophie, de la philosophie de l’action à la philosophie sociale en passant par la métaphysique.

Enseignant à Somerville College, Oxford, à partir de 1946, puis recrutée à Cambridge en 1970 sur la chaire occupée par Wittgenstein puis Georg Henrik von Wright, elle fut une philosophe extrêmement active, débordant d’énergie physique et intellectuelle, multipliant les tutorials, les articles et les conférences à l’étranger jusqu’à sa retraite en 1986 et au-delà. Mariée en 1941 au philosophe et logicien Peter Geach, elle mena dans le même temps une tumultueuse vie de famille parmi leurs sept enfants. Sa personnalité, très indépendante et forte sinon excentrique, a suscité beaucoup d’anecdotes. Brusque et cinglante avec les collègues qu’elle jugeait vains ou pompeux, elle se montrait à la fois patiente et très exigeante avec ses étudiants.

Convertie au catholicisme pendant sa jeunesse, elle montra sa vie durant une grande fidélité à l’éthique judéo-chrétienne, jusqu’à prendre position publiquement et de façon fracassante à l’âge de vingt ans sur l’entrée en guerre de l’Angleterre en 1939 [3] mais aussi en s’opposant à la contraception, à l’homosexualité, ou encore, parfois physiquement, à l’avortement dans les années 1970-1980. Cet engagement religieux ne l’empêchait cependant ni de critiquer l’enseignement catholique quand elle le jugeait dévoyé ou faux, ni de distinguer le fait de s’adresser à un public de croyants et celui d’écrire en philosophe, en n’ayant recours qu’à la raison et à l’argumentation ; et encore moins de nourrir une amitié passionnée avec une philosophe athée comme Philippa Foot (1920-2010).

Encore sous-estimé, parfois rugueux et difficile d’accès, le travail d’Anscombe fait actuellement l’objet d’une attention renouvelée, comme en atteste le nombre de publications depuis une dizaine d’années qui lui sont consacrées, au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais aussi en Allemagne et en France [4].

Action et responsabilité

En sus de ses traductions de Wittgenstein, Anscombe est d’abord reconnue pour sa réinvention géniale de la philosophie de l’action, c’est-à-dire la réflexion sur des concepts tels que le volontaire, l’involontaire, l’intention, le motif, etc. Si le travail qu’elle entreprend dans ce domaine renoue avec l’effort descriptif d’Aristote, sa motivation et sa portée sont profondément éthiques.

En 1956, l’université d’Oxford prévit de décerner un doctorat honoris causa à l’ancien président américain Harry Truman. Anscombe, alors en poste à Somerville College, soutint devant l’assemblée des dons que cette proposition devait être rejetée à cause de sa responsabilité dans les bombardements de Nagasaki et d’Hiroshima. Sa réaction reposait sur deux idées : on était fondé à lui attribuer l’action d’avoir tué des civils et donc à l’accuser de meurtre parce qu’il avait délibérément choisi de le faire en vue de mettre fin à la guerre. Le débat fut houleux : Anscombe n’eut pas gain de cause et découvrit avec stupeur que ces évidences n’étaient pas partagées par ses collègues qui se demandaient si l’on pouvait vraiment dire que Truman avait tué des civils. Après tout, pensaient-ils, il n’avait fait qu’apposer sa signature au bas d’un document (ordonnant le bombardement). En outre, pouvait-on vraiment l’accuser de meurtre ? Son intention n’était pas de tuer des civils, mais de mettre fin à la guerre et de rétablir la paix ; n’était-il pas dès lors moralement justifié à recourir à l’arme atomique si c’était le moyen d’atteindre cette fin ?

Face à ce qui lui paraît être une situation de confusion intellectuelle nourrissant une forme de corruption morale [5], Anscombe se tourne à la fin des années 1950 vers le travail philosophique requis pour en sortir.

Son étude de 1958 sur « La philosophie morale moderne » [6] montre qu’il règne une grande confusion sur le sujet. Que signifie le terme « moral », en effet, lorsque par exemple l’on parle d’un « devoir moral » ou de ce qui est « moralement permis (ou défendu) » ? À ses yeux, les philosophes modernes depuis Hume et Kant ont échoué à préciser le sens du terme. En réalité, de telles expressions ne sont que des survivances d’une conception légaliste de l’éthique fondée sur un Dieu législateur, proférant des commandements. Coupées de ce cadre, elles ne gardent qu’une force hypnotique et leur sens devient évanescent (Voir « Modern Moral Philosophy », op. cit., p. 30.). Pour le raffermir, les philosophes ont alors été inclinés à penser que

l’action moralement correcte » signifie celle qui produit les meilleures conséquences possibles […] un homme agit bien, subjectivement parlant, s’il agit pour le mieux dans les circonstances particulières en fonction de son jugement sur toutes les conséquences de cette action particulière (Ibid., p. 33, trad. française modifiée, p. 20).

Anscombe baptise conséquentialisme cette conception qui s’est répandue au point de caractériser tous les auteurs de la philosophie morale depuis le début du XXe siècle. Elle a pour corollaire que les principes qui guident l’action doivent être flexibles, adoptés ou rejetés en fonction de l’état de choses que l’on désire réaliser, si bien que le choix de n’importe quel moyen peut être justifié pour autant qu’il permet d’atteindre une fin jugée bonne. Or cela heurte de front l’idée morale traditionnelle selon laquelle il existe des prohibitions absolues, des types d’action qui ne doivent jamais être choisis quelles que soient les circonstances, comme le fait de tuer des innocents ou la trahison (Ibid., p. 34). C’est précisément le rejet de cette idée qui lui paraît grave.

Ce tournant conséquentialiste est le fruit d’une modification dans la façon de concevoir l’intention d’un agent, qu’Anscombe rapporte à Henry Sidgwick [7] : il est le premier à soutenir que l’on peut appeler « intentionnelles » toutes les conséquences prévisibles d’une action envisagée, effaçant ainsi toute distinction entre conséquence prévue et conséquence voulue et toute pertinence de la considération de l’intention pour qualifier la nature de l’acte [8]. Aussi en vient-elle à fixer un nouveau programme : il est nécessaire, pour pouvoir faire de la bonne philosophie morale, de disposer d’abord d’une « solide philosophie de la psychologie » pour renouveler notre compréhension de notions comme l’intention ou la vertu [9].

Sa monographie Intention, parue en 1957 [10], est un exemple du genre de clarification conceptuelle qu’elle appelle de ses vœux. L’ouvrage vise non à construire une théorie, mais à poser une question d’ordre logique ou grammatical : à quelles conditions une description de ce que fait quelqu’un est-elle la description d’une action intentionnelle ?

Toute action est donnée sous une certaine description : « Pierre scie une planche », « Pierre fait du bruit », « Pierre découpe la bibliothèque », etc. Il y a toujours une pluralité possible de descriptions vraies d’une même action ; mais les descriptions sous lesquelles l’action est intentionnelle sont des descriptions sous lesquelles l’agent sait ce qu’il fait (L’intention, §23, p. 81-86).

Anscombe soutient qu’il faut reconnaître une forme de connaissance propre à l’agent, la connaissance pratique. Il s’agit en substance de l’idée qu’un agent sait ce qu’il est en train de réaliser (et donc ce qui se passe dans le monde), sans avoir besoin pour cela d’observer ce qui se passe autour de lui – pour autant qu’il sait comment s’y prendre et qu’il ne commet pas d’erreur d’exécution. Ainsi, si j’écris au tableau « je suis un sot » les yeux fermés, je sais ce qui apparaît sur le tableau sans avoir besoin de le voir (Ibid., §29, p. 103).

Cette forme de connaissance, qui peut paraître mystérieuse, s’éclaircit quand on la met en rapport avec le raisonnement pratique ou délibération par laquelle un agent se demande comment obtenir ou réaliser dans les circonstances présentes la chose qu’il veut. Car le raisonnement pratique, dont la logique se distingue de celle d’un raisonnement démonstratif, est celui par lequel on fixe un ordre des choses à faire [11]. La connaissance pratique se manifeste dans l’ordre téléologique complexe de l’action (je fais A en vue de B, B en vue de C…), mais aussi dans le fait que l’agent peut en répondre en indiquant ses raisons d’agir.

Une action sous la description A est donc intentionnelle et par conséquent imputable à un agent pour autant qu’il se sait en train de faire A sans avoir à l’observer. Mais ce critère ne suffit pas à déterminer l’étendue de sa responsabilité. Anscombe soutient que dans certains cas, nous pouvons être responsables de ce que nous ignorons faire ou de ce que nous avons, par ignorance, omis de faire, là où nous aurions et pu savoir. Ainsi, un pilote peut être tenu pour responsable du naufrage de son navire s’il a négligé de regarder le sonar qui indiquait un récif ; son ignorance compte alors comme volontaire [12]. En outre, nous pouvons savoir que notre action produira (éventuellement) certains effets, sans être tenus pour responsables d’eux s’ils se produisent : il s’agit de la doctrine dite du « double effet » [13]. À moins de circonstances particulières, un médecin qui déciderait d’administrer à son patient un médicament ayant un possible effet létal ne serait pas accusé de meurtre si son patient succombait.

Suivre des règles

La réflexion d’Anscombe en philosophie pratique – c’est-à-dire morale, juridique et politique – tourne aussi en grande partie autour de la question, très discutée dans la seconde moitié du XXe siècle, dite du « suivi de la règle ». Comment et pourquoi suivre une règle ? Ces deux questions ouvrent la voie à une analyse originale des notions « pratique sociale » et d’« institution ». En effet, plutôt que de tenter de définir ce que serait le « social » en général, l’approche anscombienne consiste à savoir ce que signifie, pour un agent, de ne pas pouvoir faire quelque chose non pas parce que cela lui serait impossible physiquement, mais parce que cela est impossible ou interdit dans la société dans laquelle il vit.

En d’autres termes, la meilleure manière d’aborder l’énigme de l’existence du social, selon Anscombe et ceux qui la suivent sur ce point, est de se demander, par exemple, comment apprendre à quelqu’un à suivre l’indication d’un panneau de signalisation routière, d’une part ; et pourquoi il devrait obéir à une telle indication – s’arrêter au panneau « STOP » ou ne pas s’engager dans un sens interdit –, d’autre part [14]. La deuxième originalité d’Anscombe au sujet des règles est alors d’articuler, de façon assez inattendue, une approche à la fois radicalement conventionnaliste et naturaliste. En effet, puisque la réponse à la seconde question ne peut pas être « parce que c’est la règle de suivre les règles » en raison d’un problème de régression à l’infini – comment et pourquoi suivre la règle qui m’enjoint de suivre des règles ? – Anscombe affirme que l’on ne peut comprendre pourquoi il est bon de suivre telle ou telle règle qu’en faisant appel à une description de la nature humaine [15].

Dans un texte de 1976, intitulé « La question de l’idéalisme linguistique », Anscombe prend les trois exemples des règles (d’un jeu), des droits et des promesses. Elle commence par faire remarquer que chacun de ces exemples est lié à un certain usage de notions modales (peut, doit ; possible, nécessaire) :

Suivant les règles d’un jeu, ou de n’importe quelle autre procédure, vous « devez » faire certaines choses, et vous « ne pouvez pas » en faire d’autres. Quand quelqu’un a le droit de faire quelque chose, vous « ne pouvez pas » l’en empêcher. Si vous avez passé un contrat, alors suivant ce contrat vous « devez » faire ceci et « ne pouvez pas » faire cela [16].

Si, aux échecs, on demande : « Pourquoi dois-je bouger mon roi dans cette situation ? », la première réponse qui vient à l’esprit est certainement : « Parce que c’est la règle de déplacer son roi quand il est mis en échec ». Mais un enfant qui pose la question ne sait peut-être pas ce qu’est une « règle du jeu ». Cette réponse n’est donc pas éclairante d’un point de vue pédagogique. Pour comprendre une telle réponse, il faut déjà savoir ce qu’est une « règle » – et donc savoir comment et pourquoi la suivre – alors que c’est justement ce que par hypothèse on ne sait pas faire.

Les analyses d’Anscombe, en se concentrant sur l’usage des modaux, permettent cependant de sortir de cette impasse [17]. Lorsque l’on apprend à l’enfant comment et pourquoi suivre une règle du jeu, on n’utilise pas au début le concept de « règle ». Si son roi est en échec, on l’empêche d’abord physiquement de bouger n’importe quelle autre pièce en lui disant « Tu ne peux pas bouger ton fou, tu dois bouger ton roi parce qu’il est en échec », puis il suffira de lui dire « Tu ne peux pas » et « Tu dois », sans accompagner ces paroles de gestes d’empêchement. En d’autres termes, au commencement est l’action – de montrer ou de faire faire quelque chose – qui précède nécessairement l’explication verbale. Anscombe fait le parallèle avec le jeu enfantin suivant :

Il y a un jeu auquel on joue avec les enfants dans lequel on pose ses mains successivement par-dessus celles des autres. Celui dont la main est en bas « doit » la retirer et la poser sur le dessus. Ceci est un des usages primitifs de « tu dois » ; il s’accompagne du fait de faire faire à l’apprenant ce qu’il « doit faire ». Ainsi, pourrions-nous dire qu’au début il doit « littéralement » le faire, ce qui veut dire qu’il y est contraint [18].

Si l’on passe de la règle du jeu d’échecs au droit de propriété par exemple, la solution est la même. « Pourquoi dois-je m’abstenir de cultiver ce bout de terre ? », pourrait demander quelqu’un qui ne connaîtrait pas le droit de propriété et pour qui il serait physiquement tout à fait possible de cultiver un tel terrain. On lui apprendra en l’empêchant, peut-être d’abord physiquement, de le faire, en lui disant « Tu ne peux pas planter ceci ici, ce terrain appartient à Jean », autrement dit : seul Jean est autorisé à cultiver ici (privilège), à moins qu’il ne t’autorise à le faire (permission), et si tu le fais sans autorisation tu devras le dédommager (obligation), etc.

Précisons que la question de cet individu n’était pas : en quoi le droit de propriété est-il justifié ? Cependant, contrairement aux échecs, la pratique de la propriété privée n’est pas (qu’) un jeu et cette question de l’autorité des règles de la propriété est tout à fait légitime. D’autant plus que, contrairement à nouveau aux échecs, participer au jeu de la propriété privée dans notre société n’est pas optionnel : il est nécessaire pour tout individu d’y participer, ne serait-ce que parce que le coût pour refuser d’y participer est extrêmement élevé.

C’est à cette étape que l’explication d’Anscombe de conventionnaliste se fait naturaliste : s’il n’est pas optionnel de participer à certaines pratiques humaines, faites de certaines règles – qui peuvent varier fortement selon les époques et les lieux – c’est parce que ces pratiques répondent à des besoins humains, au sens où sans elles certains biens ne seraient pas obtenus et certains maux ne seraient pas évités [19]. Il s’agit d’une nécessité non pas logique ou physique mais pratique : le code de la route répond au besoin de sécurité, la propriété à celui de stabilité, et la promesse à celui de pouvoir faire faire des choses à autrui sans l’intervention de la force ou de la manipulation.

Ainsi, s’il n’est pas optionnel de participer à ces pratiques et de suivre leurs règles, ce n’est pas parce qu’elles s’accompagneraient d’un devoir spécifiquement « moral » qui aurait une force spéciale : le verbe devoir dans « tu dois bouger ton roi » a strictement le même sens que dans « tu dois tenir ta promesse », mais le rôle de la promesse dans la vie humaine n’est pas le même que celui du jeu d’échecs [20]. En outre, une telle philosophie sociale et morale n’est pas, contrairement aux apparences, conformiste : si telle ou telle pratique n’est plus l’instrument du bien qu’elle prétendait être, alors il faut la réformer, par exemple la propriété privée si elle n’est plus un instrument de stabilité et de protection de la liberté individuelle. Précisons enfin que, pour Anscombe, toutes les règles morales et légales ne dépendent pas de pratiques humaines à la manière de l’obligation des promesses ou de l’interdiction du mensonge : au premier chef le droit à ne pas être assassiné (murdered), c’est-à-dire à être intentionnellement tué alors que l’on est innocent, entraîne par exemple une prohibition absolue du meurtre qui ne dépend pas d’une pratique sociale préalable. Enfin, cette dernière remarque sur l’interdit du meurtre permet, en négatif, de mieux comprendre ce que serait un « droit humain » [21].

La métaphysique comme enquête grammaticale

Héritière et amie de Wittgenstein, Anscombe a su mettre à profit de façon créative l’approche grammaticale du maître viennois pour renouveler le traitement de grandes questions de métaphysique et d’épistémologie. Dans ses écrits, elle aborde ainsi de nombreux thèmes : la substance, le temps, les futurs contingents ou encore la mémoire. Deux champs de problèmes cependant ont retenu plus particulièrement son attention : la causalité et la nature de l’esprit.

De son propre aveu, la causalité est l’un des premiers sujets qui l’aient intéressée, avant même ses études [22]. Dans L’Intention, elle souligne que c’est « un sujet où règne une trop grande confusion » (L’Intention, op. cit., §5, p. 46), ce qui ne la décourage pas d’y consacrer par la suite plusieurs articles, dont sa leçon inaugurale à l’université de Cambridge [23].

La principale cible de ses réflexions est Hume, qu’elle n’hésite pas à taxer de sophiste génial et profond (« Modern Moral Philosophy », op. cit., p. 28). Selon le philosophe écossais, nous disons que A est cause de B lorsque nous observons que des événements ou des objets de type A sont régulièrement suivis d’événements ou d’objets de type B, ce qui nous induit à attendre que B se produise chaque fois que A se produit, ou bien à chercher A lorsque B s’est produit. Ainsi, dit Hume, la « connexion nécessaire » entre la cause et l’effet ne peut être trouvée nulle part, sinon dans un pli pris par notre imagination [24]. Malgré sa tournure sceptique, cette analyse a contribué à renforcer l’idée que la causalité allait de pair avec la nécessité. C’est précisément ce point qu’Anscombe conteste vigoureusement : on peut très bien savoir que A est cause de B sans savoir ni même avoir besoin de postuler qu’il existe une régularité ou une loi unissant les A et les B. Le cœur de la notion se trouve en réalité dans quelque chose d’élémentaire qui passe inaperçu :

[…] la causalité consiste dans le fait qu’un effet dérive de ses causes. C’est là le cœur, le trait commun de la causalité dans ses différents genres. Les effets dérivent, surgissent, proviennent de leurs causes. Par exemple, chacun accordera que la parenté physique est une relation causale. Ici la dérivation est matérielle, par fission [25].

Notre notion commune de cause est beaucoup plus indéterminée que les philosophes ne le supposent habituellement : dire que A est cause de B, c’est dire que B dérive de A, mais cela ne dit rien encore du mode de causation (du « comment »), ni de la question de savoir si ce mode suppose une ou plusieurs régularités. Le fait que B dérive de A est distinct du fait qu’il soit vrai que ce soit nécessairement le cas. Ce point passe souvent inaperçu à cause des arguments de Hume qui excluent l’idée que l’on puisse percevoir qu’une chose dérive d’une autre en un cas unique. Anscombe souligne a contrario qu’il n’y a rien d’impossible à cela, par exemple à percevoir que la braise qui tombe de la cigarette brûle le tapis. On apprend d’ailleurs l’usage de verbes comme « brûler », « mouiller » ou « pousser » en même temps que celui de certains noms dénotant des genres de matière ou des substances, dont ils servent à décrire les effets caractéristiques (Ibid., p. 137). Notre idée générale de causalité est un produit abstrait de l’usage de ces concepts plus déterminés.

En philosophie de l’esprit, la position d’Anscombe se caractérise par un anti-cartésianisme résolu qui vise à corriger une image trop simple de l’esprit [26]. Descartes se montre profond lorsqu’il désigne sous le seul terme cogitare ou penser « tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose ici que penser [27] ». Tous ces verbes (que Wittgenstein baptise « verbes psychologiques [28] ») présentent en effet, du point de vue de la justification, une asymétrie entre leur usage à la première et à la troisième personne du singulier au présent de l’indicatif : si je déclare que « X a mal à la tête », on peut me demander « comment le savez-vous ? » ; mais si je déclare que « j’ai mal à la tête », une telle question ne peut pas être posée – non parce qu’elle serait inconvenante, mais parce qu’elle ne communiquerait aucune question réelle (Wittgenstein dirait qu’elle est exclue par la « grammaire », c’est-à-dire les formes d’emploi sensé, de ce verbe).
Descartes se trompe cependant lorsqu’il explique ce caractère en recourant à l’idée d’un privilège épistémique du sujet vis-à-vis de ses propres pensées, sur le modèle de la perception interne ou de l’inspectio mentis. Plus fondamentalement, l’erreur est d’unifier la grammaire de tous les verbes psychologiques sur le modèle de celle de « sentir », car alors : « La notion de cogitatio […] s’est transformée en celle de conscience ou d’expérience [29]. » Au rebours de cette position, Anscombe soutient qu’il faut résister à la tentation de concevoir tout ce qui est mental sur le modèle de l’expérience vécue. Il convient au contraire de décrire les différences de fonctionnement entre les verbes psychologiques pour saisir, au cas par cas, leur spécificité.

Anscombe applique également cette méthode pour traiter le problème des verbes de perception comme « voir » ou « entendre » [30]. Le problème est celui de savoir quel est l’objet de la vision. Une première réponse consiste à dire : l’objet de la vision est la chose même que nous voyons. Mais il arrive que nous croyions voir quelque chose, par exemple un cerf dans la forêt, alors qu’il n’y a rien de tel en face de nous : ne voyons-nous pas tout de même pas quelque chose, à défaut d’un cerf ? Et que dire dans les cas d’hallucination pure et simple ? Certains philosophes, comme Bertrand Russell, prennent appui sur ces cas pour soutenir que l’objet immédiat de la perception est, non pas la chose même, mais les données privées des sens, ou sense-data, dont ils postulent l’existence. Cependant, pour Anscombe, le problème n’est pas d’ordre ontologique, mais grammatical. Supposons qu’un homme dise : « J’ai vu un cerf, alors j’ai tiré », mais que ce qu’il a pris pour un cerf était son père. Il est correct de dire qu’il a vu un cerf : c’est ainsi que les choses lui sont apparues ; « un cerf » est une description qui donne l’objet intentionnel de sa vision. Mais il est également correct de dire que ce qu’il a vu était son père : « son père » est alors une description qui donne l’objet matériel de sa vision, c’est-à-dire l’être ou la chose qui lui est effectivement tombé sous les yeux, bien qu’il ne l’ait pas reconnu. Un verbe comme « voir » est un verbe intentionnel : cela signifie qu’il a toujours besoin d’être complété par des expressions disant ce qui est vu ; mais la description qui donne l’objet intentionnel de la vision n’engage pas l’existence de ce qu’elle décrit et permet ainsi de rapporter, dans un certain usage du langage, le contenu d’une expérience visuelle.

L’opposition à Descartes et, plus largement, à ce que la philosophie contemporaine doit à sa pensée, se marque également dans l’article sur « La première personne [31] », texte qui a suscité une vive discussion [32]. Au cours de ses méditations, Descartes se demandait : « moi qui pense, que suis-je ? » et se lançait à la recherche de la référence du mot « moi » ou « je ». Écartant le corps, il en vient à trouver la chose pensante. La question grammaticale que veut poser Anscombe est celle de savoir si l’on doit considérer le pronom « je » comme une expression référentielle. Selon elle, c’est une erreur : le mot « je » ne fonctionne pas à la manière d’un nom ni d’une expression qui servirait à désigner quelque chose que l’on serait fondé à appeler « le moi » [33] ; il sert à signaler à un auditeur que la personne dont il est question est celle qui est en train de parler. Par une telle élucidation, il s’agit de s’attaquer à « la principale racine de l’idée philosophique du “sujet [34] » pour montrer que le dualisme du moi et du corps (ou ses succédanés) est un mythe tiré d’une erreur de grammaire.

Un style philosophique inventif et exigeant

L’œuvre d’Anscombe n’est en effet pas facile d’accès. Sa fille Mary Geach compare son écriture très dense à la confection d’un panforte : « que des fruits, des noix et pas de pâte, caoutchouteux et coriace [35]. » Roger Teichmann avance, au-delà de l’écriture, au moins trois raisons à cette difficile accessibilité de l’œuvre d’Anscombe [36] : elle n’a pas pour prétention de construire un système ; elle ne discute pas beaucoup ses contemporains ; elle commence souvent in medias res sa discussion d’un problème philosophique, sans expliciter la totalité de ses conclusions, ni sans toujours citer précisément ses sources.

Cependant, en donnant à voir à son lecteur son cheminement de pensée, à travers les apories, sur un problème philosophique, elle l’incite à tirer ses propres conclusions. Car en enseignant la philosophie, écrit-elle, « nous n’espérons pas que nos élèves nous croiront, mais plutôt qu’ils en arriveront à voir que ce que nous disons est vrai – si ça l’est [37]. » Anscombe privilégie par conséquent dans ses textes l’ordre de la découverte, où le lecteur rencontre en même temps qu’elle les difficultés de la recherche, comme c’est le cas dans L’intention [38].

Il est aussi possible d’identifier une méthode d’enquête conceptuelle propre à la philosophie d’Anscombe. Par exemple, au sujet de l’action intentionnelle dans L’intention, celle-ci ne passe pas « par une exploration des circonstances dans lesquelles nous appelons une action “intentionnelle” » mais plutôt par une mise à jour des conditions nécessaires, que nous venons de rappeler, pour qu’une action puisse être qualifiée d’intentionnelle [39]. La description de nos usages linguistiques ordinaires est inutile ici :

Si je voyais un homme suivre le trottoir, puis se tourner vers la route, regarder des deux côtés, et traverser la rue quand c’est sans danger, je ne dirais pas d’habitude qu’il a traversé la route intentionnellement. Mais il serait faux d’en déduire que ce ne serait pas un acte typique d’action intentionnelle. (L’intention, op. cit., §19, p. 71)

De même, le dialogue suivant est un bon moyen de commencer à comprendre en quoi une « expression d’intention » à propos du futur n’est pas une prévision : « – Je vais rater mon examen ! – Mais non tu as bien révisé – Non tu ne comprends pas. Je veux montrer à mes parents que j’en ai assez de mes études [40] ». Même s’il faut posséder un langage articulé pour exprimer ses intentions, on voit qu’il n’est pas nécessaire que les mots « intention » ou « intentionnel » soient présents.

L’enquête conceptuelle ne prend donc pas pour objet ce que nous disons le plus souvent, mais s’autorise au contraire de l’invention de situations qui permettent de mettre au jour les traits logiques de nos concepts, par exemple ceux d’« action intentionnelle » ou d’ « expression d’intention » [41]. Au sujet du concept d’ « apparence », même s’il est linguistiquement incorrect de dire « voir une apparence » – par exemple celle d’un homme – cela ne signifie pas que l’on ne peut pas voir d’apparences d’hommes dans certaines situations.

On peut distinguer entre voir effectivement un homme, et voir des apparences telles qu’on dit qu’on voit ou qu’on a vu un homme. On peut décrire ou identifier « ce qu’on a vu alors » sans savoir que ce que l’on a vu en réalité n’était qu’un reflet, ou qu’une veste suspendue au portemanteau. (L’intention, op. cit., §28, note 1, p. 98-99) [42].

Cette imagination philosophique d’Anscombe peut donner, malgré leurs difficultés, à la lecture de ses textes un certain plaisir. Ainsi pour réfuter la thèse selon laquelle une action volontaire serait nécessairement précédée d’un « acte de volonté » imagine-t-elle la situation suivante : « Accroupie au bord de la piscine je viens juste de rassembler mon courage […] et de me résoudre positivement à plonger la tête la première dans l’eau – soudain vous me poussez [43] ». Ce n’est donc pas l’absence d’un « acte de volonté » préalable de sa part qui fait que son plongeon n’est pas volontaire.

L’écriture d’Anscombe est aussi faite d’images marquantes : parce que notre croyance dans les témoignages d’autrui est une part inéliminable de notre connaissance de la réalité elle écrit éloquemment qu’ils sont comme « les petites taches et striures de gras que l’on trouve dans la bonne viande […] [44] ». Ailleurs, pour nous faire comprendre qu’obéir à un ordre ce n’est pas seulement faire ce qui est commandé ni même le faire parce que c’est commandé, elle imagine la scène absurde où l’on m’ordonne d’une voix terrible « Tremblez de peur ! » et qu’à cause du ton de la voix je me mette à trembler [45].

L’enjeu de la philosophie d’Anscombe n’est donc pas de construire des théories mais de mieux comprendre les concepts qui sont les nôtres [46]. Ce travail conceptuel, toujours à recommencer, permet aussi à Anscombe, il faut le noter, de réfuter les différentes objections rationnelles que l’on pourrait faire aux mystères de sa foi catholique, puisque dire « “cela peut être réfuté, mais j’y crois encore” n’est pas du tout une attitude pieuse [47] ». À propos de la transsubstantiation par exemple, si quelqu’un était tenté de dire : « – Il est impossible à un homme d’1,80m d’être dans ce morceau de pain ; on pourrait, en suivant Anscombe, répondre : – Mais comment savez-vous que la manière dimensionnelle est la seule façon d’être quelque part ? » [48]. Cependant, puisque ce travail de nettoyage de ce qu’elle considère être des « déchets » que la raison humaine jette parfois sur notre chemin comme autant d’obstacles n’a rien à voir avec la prétention de démontrer les mystères de la foi, la méthode et les conclusions d’Anscombe peuvent être au service de n’importe quel projet philosophique soucieux de ne pas se tromper sur ce qui peut et ne peut pas être pensé [49].

par Vincent Boyer & Rémi Clot-Goudard, le 23 février 2021

Aller plus loin

 La bibliographie en ligne, complète et de référence, des textes d’Anscombe (dernière mise à jour en juin 2012).
• Valérie Aucouturier, Elizabeth Anscombe. L’esprit en pratique, Paris, CNRS éditions, 2013.
La seule monographie existante en français sur Elizabeth Anscombe, qui explicite très clairement les liens entre la philosophie de l’esprit, la philosophie morale et la philosophie de l’action de la philosophe britannique.

• Valérie Aucouturier et Marc Pavlopoulos (dir.), Agir et penser. Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe, Publications de la Sorbonne, 2015.
Une dizaine d’articles en français sur la philosophie de l’action et de la responsabilité d’Anscombe. On y trouve notamment l’article majeur de Richard Moran et Martin J. Stone traduit en français sur la notion d’ « expression d’intention » chez Anscombe.

• Valérie Aucouturier (dir.), « Lectures contemporaines d’Anscombe », Klēsis, vol. 35, 2016.
Des articles en français et anglais, en accès libre, qui reviennent pour une partie d’entre eux sur la difficile notion de « connaissance pratique » et ses prolongements éthiques dans l’œuvre d’Anscombe.

• Valérie Aucouturier, L’intention en action, Paris, Vrin, 2018.
Un petit ouvrage consacré à l’explication et à la défense de l’une des idées centrales d’Intention, contre les positions adverses de Donald Davidson ou John Searle : « intention » n’est pas le nom d’un état mental dont on devrait se demander comment il se rapporte à une action, mais elle est un mode de description spécifique de ce qui se passe, lorsque ce qui se passe est une action.

• John Schwenkler, Anscombe’s Intention. A Guide, Oxford University Press, 2019 et Rachael Wiseman, Routledge Philosophy Guidebook to Anscombe’s Intention, Routdlege, 2016.
Deux commentaires suivis du livre d’Anscombe de 1957 L’intention. Celui de Rachael Wiseman est un peu plus accessible, celui de John Schwenkler explicite de façon très éclairante l’héritage thomiste du livre et ne gomme pas les difficultés d’interprétations.

• Roger Teichmann, The Philosophy of Elizabeth Anscombe, Oxford University Press, 2008.
Une monographie très complète sur tous les aspects de l’œuvre d’Anscombe, qui fait le point autant sur sa philosophie de l’action que sur sa philosophie du langage et de l’esprit.

Pour citer cet article :

Vincent Boyer & Rémi Clot-Goudard, « Elizabeth Anscombe, philosophe radicale », La Vie des idées , 23 février 2021. ISSN : 2105-3030. URL : https://mail.laviedesidees.fr/Elizabeth-Anscombe-philosophe-radicale

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Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1G.E.M. Anscombe, An Introduction to Wittgenstein’s Tractatus (1959), in M. Geach & L. Gormally (éds.), Logic, Truth and Meaning, Exeter, Imprint Academic, 2015.

[2Il ne s’agit donc pas d’une «  philosophe radicale  » au sens où elle serait en quête d’un point départ radical, d’une première vérité sur laquelle tout fonder. Voir, à propos d’un autre philosophe, Vincent Descombes, «  Introduction – Une pensée radicale  », in Actualité d’une pensée radicale. Hommage à Cornelius Castoriadis, Uppsala Rhetorical Studies, 2018.

[3Voir «  The Justice of the Present War Examined  », in Ethics, Religion and Politics. Collected Philosophical Papers vol. III, Oxford, Blackwell, 1981, p. 72-81.

[4On peut également noter qu’Elizabeth Anscombe fait désormais partie de la liste des auteurs au programme de philosophie dans les lycées français.

[5Voir G.E.M. Anscombe, «  Does Oxford Moral Philosophy Corrupt Youth  ?  » (1957), in M. Geach & L. Gormally (éds.), Human Life, Action and Ethics : Essays by G.E.M. Anscombe, Exeter, Imprint Academic, 2005, p. 161-168.

[6G.E.M Anscombe, «  Modern Moral Philosophy  », in Ethics, Religion and Politics, op. cit., p. 26-42  ; trad. française G. Ginvert & P. Ducray, «  La philosophie morale moderne  », Klèsis, vol. 9, 2008, p. 12-31.

[7Henry Sidgwick (1838-1900), l’auteur de Methods of Ethics (1874), est l’un des penseurs de l’utilitarisme classique, avec Jeremy Bentham et John Stuart Mill.

[8«  He defines intention in such a way that one must be said to intend any foreseen consequences of one’s voluntary action.  » («  Modern Moral Philosophy  », op. cit., p. 34-35).

[9Les auteurs du courant dit de l’éthique des vertus (Philippa Foot, Alasdair MacIntyre, Rosalind Hursthouse) s’engouffreront dans la brèche ainsi ouverte.

[10G.E.M. Anscombe, Intention (1957), Cambridge (MA), Harvard U. P., 2000  ; trad. française de M. Maurice et C. Michon, L’intention, Paris, Gallimard, 2002.

[11Voir Cyrille Michon, «  La causalité formelle du raisonnement pratique  », Philosophie, 2003, 1, n°76, p. 63-81  ; Vincent Descombes, «  Note sur le syllogisme pratique  », in Le Raisonnement de l’Ours, Paris, Le Seuil, 2007, p. 122-136.

[12Voir «  The Two Kinds of Error in Action  », in Ethics, Religion and Politics, op. cit., p. 3-9  ; ainsi que «  Sin : The McGivney Lectures  », in M. Geach & L. Gormally (éds.), Faith in a Hard Ground, Exeter, Imprint Academic, 2008, p. 117-156.

[13Voir notamment «  Action, Intention and “Double Effect”  », in Human Life, Action and Ethics, op. cit., p. 207-226  ; pour une analyse, voir Cyrille Michon, «  Anscombe et la doctrine du double effet  », Klèsis, vol. 35, 2016.

[14Voir Bruno Gnassounou, La parole donnée. Le contrat comme représentation collective, Paris, Classiques Garnier, 2019, chapitre 11 «  Règles  », p. 305-354. Pour Bruno Gnassounou la fonction d’un panneau de signalisation de sens interdit est bien d’instituer une nouvelle réalité – à savoir une impossibilité, pour mon véhicule comme pour tous les autres véhicules, d’avancer qui n’existe que du fait d’être instituée – et non pas de signaler une impossibilité «  fictive  ». C’est cette nouvelle réalité que l’on peut appeler le social.

[15Pour Vincent Descombes «  comment suivre telle règle  ?  » questionne la normativité de cette règle et «  pourquoi suivre telle règle  ?  » son autorité. La priorité de la question de la normativité sur celle de l’autorité est incontournable : il n’y a aucun sens à se demander pourquoi suivre une règle que l’on ne sait pas comment suivre. Voir Le complément de sujet (2004), Paris, Tel Gallimard, 2017, chapitres LII à LV et la postface.

[16G.E.M. Anscombe, «  The Question of Linguistic Idealism  » (1976), in From Parmenides to Wittgenstein, The Collected Philosophical Papers I, Oxford, Basil Blackwell, 1981, p. 112-133. («  La question de l’idéalisme linguistique  », trad. V. Aucouturier et A. Jomat, Les Cahiers philosophiques, vol. 158, n°3, 2019, p. 136).

[17Voir aussi «  On Promising and its Justice  » (1969), «  Rules, Rights and Promises  » (1978), «  On the Source of the Authority of the State  » (1978), in Ethics, Religion and Politics, op. cit., p. 10-21  ; p. 97-103  ; p. 130-155. Sur la méthode d’Anscombe employée dans ces articles, voir Ulf Hlobil et Katharina Nieswandt, «  On Anscombe’s Philosophical Method  », Klēsis, vol. 35, 2016, p. 180-198.

[18G.E.M. Anscombe, «  La question de l’idéalisme linguistique  », op. cit., p. 138

[19Voir Katharina Nieswandt, «  Anscombe on the Sources of Normativity  », The Journal of Value Inquiry, vol. 51, n°1, 2017, p. 141-167.

[20Sur l’analyse anscombienne de la promesse, voir Roger Teichmann, The Philosophy of Elizabeth Anscombe, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 87-102.

[21G.E.M. Anscombe, «  War and Murder  » (1961), in Ethics, Religion and Politics, op. cit., p. 51-61. Sur la question du meurtre chez Anscombe : Katharina Nieswandt, «  Life and Other Basic Rights  », in R. Teichmann (ed.), The Oxford Handbook of Elizabeth Anscombe, Oxford University Press, à paraître.

[22«  My first strenuous interest in philosophy was in the topic of causality” (“Introduction”, Metaphysics and the Philosophy of Mind, The Collected Philosophical Papers II, Oxford, Basil Blackwell, 1981, p. vii).

[23G.E.M. Anscombe, «  Causality and Determination  » (1971), in Metaphysics and the Philosophy of Mind, op. cit., p. 133-147.

[24David Hume, Enquête sur l’entendement humain (1758), trad. française A. Leroy, Paris, Flammarion, 1983, section VII : «  L’idée de connexion nécessaire  », p. 127-146.

[25«  Causality and Determination  », op. cit., p. 136.

[26Voir «  Events in the Mind  », in Metaphysics and the Philosophy of Mind, op. cit., p. 57-63. «  Anti-cartésianisme  » ne signifie pas mépris, encore moins ignorance de l’illustre auteur français. Anscombe a d’ailleurs traduit avec son mari Peter Geach une sélection de textes philosophiques choisis à destination des étudiants de l’Open University, à partir de l’édition Adam & Tannery (Descartes, Philosophical Writings, London, Nelson’s University Paperbacks, 1954).

[27R. Descartes, Les Principes de la philosophie, I, 9, in F. Alquié (éd.), Œuvres philosophiques, tome III, Paris, Garnier, 1998, p. 95.

[28Voir L. Wittgenstein, Remarques sur la philosophie de la psychologie, t. I, trad. française de G. Granel, Mauvezin, T.E.R., 1989, §836, p. 177-178. Pour une analyse, voir également Vincent Descombes, Le complément de sujet, op. cit., p. 190-198.

[29Voir G.E.M. Anscombe, «  Events in the Mind  », in Metaphysics and the Philosophy of Mind, op. cit., p. 60

[30Voir G.E.M. Anscombe, «  The Intentionality of Sensation : a Grammatical Feature  », in Metaphysics and the Philosophy of Mind, op. cit. , p. 3-20  ; voir également dans le même volume «  The Subjectivity of Sensation”, p. 44-56.

[31Voir «  The First Person  », in Metaphysics and the Philosophy of Mind, op. cit., p. 21-36.

[32Là-dessus, voir V. Descombes, «  Le marteau, le maillet et le clou  », in Le parler de soi, Paris, Gallimard, 2014, p. 252-298.

[33«  The First Person  », op. cit., p. 32 : «  “I” is neither a name nor another kind of expression whose logical role is to make a reference, at all.  »

[34L’expression se trouve dans «  The Subjectivity of Sensation  », op. cit., p. 55.

[35«  Introduction  » in Human Life, Action and Ethics, op. cit., 2005, p. XIII.

[36Roger Teichmann, The Philosophy of Elizabeth Anscombe, op. cit., p. 1-2.

[37G.E.M. Anscombe, «  What Is It to Believe Someone  ?  », in Faith in a Hard Ground, op. cit., p. 4.

[38John Schwenkler, Anscombe’s Intention. A Guide, Oxford University Press, 2019, p. VIII.

[39John Schwenkler, Anscombe’s Intention. A Guide, op. cit., p. 5.

[40John Schwenkler, op. cit., p. 4.

[41G.E.M. Anscombe, «  Necessity and Truth  », in From Parmenides to Wittgenstein, op. cit., p. 84. Cité et commenté par Vincent Descombes, «  Avant-propos  » in Agir et penser. Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe, Valérie Aucouturier et Marc Pavlopoulos (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 7-17.

[42Voir Valérie Aucouturier, «  L’intentionnalité de la sensation  » in Agir et penser, op. cit., p. 143-160 ainsi que «  De l’usage de la grammaire : Wittgenstein et Anscombe  », Implications philosophiques, novembre 2011.

[43G.E.M. Anscombe, «  Will and Emotion  », in From Parmenides to Wittgenstein, op. cit., p. 105.

[44G.E.M. Anscombe, «  What Is It to Believe Someone  ?  », in Faith in a Hard Ground, op. cit., p. 3.

[45G.E.M. Anscombe, L’intention, op. cit., §20, p. 76. Voir John Schwenkler, Anscombe’s Intention. A Guide, op. cit., p. 56-63.

[46Vincent Descombes, «  Avant-propos  » in Agir et penser. Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe, op. cit., p. 7-17.

[47«  La question de l’idéalisme linguistique  », op. cit., p. 141. Voir Cyrille Michon, «  L’attitude propositionnelle de la foi : croire Dieu (que P)  », Philosophie, vol. 145, n°2, 2020, p. 102-120.

[48Voir G.E.M. Anscombe, «  On Transubstantiation  », in Faith in a Hard Ground, op. cit., p. 86 et 91.

[49Il s’agit de la possibilité logique de la pensée, au sens où Wittgenstein écrivait que : «  Nous ne pouvons rien penser d’illogique, parce que nous devrions alors penser illogiquement  » (Tractatus logico-philosophicus (1921), trad. G.-G. Granger, Paris, Gallimard, 1993, 3.03, p. 41.)

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