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Recension Histoire

Quand Proudhon critiquait la spéculation

À propos de : P.-J. Proudhon, Manuel du spéculateur à la bourse, è®e Éditions.


par Angelo Riva , le 13 janvier 2010


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La critique de la spéculation boursière et de ses excès était déjà très forte sous le Second Empire. La réédition bienvenue du Manuel du spéculateur, rédigé par Proudhon à l’époque du premier essor du capitalisme financier, est l’occasion de réfléchir aux possibilités de moralisation et de régulation des pratiques boursières.

Recensé : Pierre-Joseph Proudhon, Manuel du spéculateur à la bourse. Une anthologie, introduction de Vincent Bourdeau, Edward Castleton, Georges Ribeill, postface de Paul Jorion, Alfortville, è®e Éditions, coll. « Chercheurs d’è®e. Documents », 2009, 15 €.

Il faut remercier Vincent Bourdeau, Edward Castleton et Georges Ribeill d’avoir exhumé cette référence classique : la lecture de Proudhon donne à réfléchir sur la situation critique de la finance contemporaine. Le Manuel du spéculateur témoigne d’une époque cruciale de l’histoire financière, en France comme à l’étranger : les années 1850. Les volumes négociés à la bourse officielle de Paris sont alors multipliés par 2,5, et les témoignages confirment l’explosion tumultueuse de l’activité de gré à gré (Hautcoeur-Riva, 2009). Les années 1850 ne sont donc pas sans rapport avec l’exubérance des années 2000, même si une comparaison terme à terme serait forcée : les années 1850 sont celles de l’émergence de la bourse parisienne, alors que la bulle des années 2000 est caractéristique d’une bourse mature.

À la lecture du Manuel du spéculateur, on saisit quelques aspects de la pensée de Pierre-Joseph Proudhon, que les éditeurs mettent en perspective dans une introduction restituant le Zeitgeist du temps : « la curée » du Second Empire. L’introduction à l’ouvrage permet de rebâtir les rythmes du devenir de la pensée de Proudhon et, au moins en partie, de la société qui l’entoure [1]. Le Manuel est une « commande » des frères Garnier, les éditeurs de Proudhon depuis 1848. Fraîchement sorti de prison, celui-ci accepte ce travail « alimentaire », une « brochure de pacotille » qu’il rédige avec son acolyte, le journaliste financier Georges Duchêne [2]. Les deux premières éditions de 1853 et 1854 sont anonymes, mais Proudhon se décide à signer la troisième édition, parue en 1857. L’ampleur des transactions boursières et la violente crise qui agite la bourse en 1856-1857 l’incitent à rendre le livre « cent fois plus féroce » et, cette fois-ci, à l’endosser.

Dans l’édition de 1857 (dont on aurait aimé trouver un plan commenté dans l’édition d’è®e qui l’utilise pour composer l’anthologie aujourd’hui disponible), l’œuvre comprend 533 pages. Elle se compose d’une préface, d’une introduction (41 pages), de deux parties (respectivement de 130 et 279 pages) et de considérations finales (51 pages). Dans la préface, Proudhon revendique avec force la paternité de l’œuvre, pour ensuite poser les termes du problème en insistant sur l’évolution rapide des institutions économiques françaises au cours de la première moitié du XIXe siècle. Dans sa vision, la société française serait passée, par la force motrice de la concentration des capitaux, de l’anarchie à la féodalité industrielle qui s’est transformée, sous Napoléon III, en Empire industriel, apogée et stade ultime d’une société fondée sur l’exploitation du travail par le capital. L’introduction reprend et développe ces thèmes en précisant d’abord les déterminants de la production : travail, capital, échange et spéculation. Proudhon expose dans un second temps les abus considérables de la spéculation pour conclure sur la nécessité d’une moralisation de la bourse.

Dans la première partie intitulée « Formes de la spéculation », Proudhon – en réalité, c’est Duchêne qui écrit cette partie – décrit les institutions boursières de l’époque en sept chapitres. L’auteur expose essentiellement les lois, les règlements et les pratiques qui régissent les opérateurs boursiers – officiels et officieux – ainsi que les opérations qu’ils accomplissent. Dans deux chapitres qui manquent un peu d’articulation, il explique l’importance de la bourse dans la mobilisation du capital ainsi que les effets bénéfiques de cette mobilisation (chap. IV) qui, par ailleurs, précipiterait le système économique à sa perte (chap. VII). La deuxième partie – « Matière de la spéculation » – est une compilation de notices qui reprennent les principales caractéristiques, chiffrées ou qualitatives, des titres cotés et de leurs émetteurs. Dans les considérations finales, Proudhon explicite enfin les fondements de sa théorie sociale et économique, et esquisse ce que serait le monde rénové de la République industrielle. Pour mettre au point la réédition aujourd’hui proposée par è®e, les codirecteurs ont décidé de publier des extraits de la préface, de l’introduction, des considérations finales ainsi que du chapitre VII de la première partie, soit 73 pages que Proudhon déclare avoir rédigé lui-même.

De ces passages ressort la position parfois ambiguë de Proudhon vis-à-vis de la spéculation. D’une part, il l’estime être « le génie de la découverte », « la faculté essentielle de l’économie » (p. 69 éd. è®e) : « C’est elle qui recherche et découvre pour ainsi dire les gisements de la richesse, qui invente les moyens les plus économiques de se la procurer, qui la multiplie soit par des façons nouvelles, soit par des combinaisons de crédit, de transport, de circulation, d’échange ; soit par la création de nouveaux besoins, soit même par la dissémination et le déplacement incessant des fortunes » (p. 68 éd. è®e). De l’autre, la même spéculation mène à sa ruine le système qui est en train de se mettre en place. Laconique, Proudhon constate que « l’abus est indissolublement lié au principe ».

Le capitalisme financier et la spéculation

Dans le Manuel, Proudhon perçoit en fait le changement qui s’amorce dans la nature du capitalisme pendant les années 1850 : le passage d’un capitalisme foncier à un capitalisme financier. Cette transition, qui s’accomplira dans les vingt années qui suivent la publication du Manuel, se fonde sur la réforme d’institutions du droit commercial ainsi que sur l’évolution des pratiques, qui accompagnent la diffusion de nouvelles formes dans la production et dans le crédit. Ces transformations, qui touchent aux opérations à terme, aux sociétés anonymes, au fonds de commerce ou au droit des faillites, précipitent les mutations sociales qui mettent à mal la France des notables [Stanziani-Levratto, 2010, à paraître]. Si Proudhon a conscience de ces mutations, il peine à les analyser. Comme le souligne Paul Jorion dans la postface du volume, Proudhon n’est pas un fin analyste (p. 144) et il a du mal, à ce stade, à forger les instruments pour interpréter cette nouvelle réalité socio-économique qui se met en place – comme toujours – dans le désordre : d’où cette sorte de « schizophrénie » vis-à-vis de la spéculation.

Qu’est-ce donc que l’agio, ce côté obscur de la spéculation ? Selon Proudhon, l’agio peut prendre différentes formes. L’auteur met en exergue ce qu’aujourd’hui on appellerait la manipulation des cours, les délits d’initiés ou les risques qui découlent de l’asymétrie d’information et des rapports de force disproportionnés entre participants inégaux. Sans doute, à l’époque, les pratiques des « corsaires boursiers [3] » ne sont pas considérées comme des délits par les lois en vigueur [4]. Mais, au-delà de ces comportements, ce sont surtout les opérations à terme, et plus particulièrement celles faites à découvert, que Proudhon pointe du doigt (p. 90 éd. è®e). La critique de Proudhon vis-à-vis de ces opérations nous replonge dans les plus vifs débats contemporains. Les opérations qu’aujourd’hui nous appelons « dérivées » sont l’équivalent structural, à quelques sophistications mathématiques près, des opérations à terme du XIXe siècle. Hier comme aujourd’hui, elles sont les instruments privilégiés de la spéculation financière et elles représentent la plus grande partie des transactions sur les marchés financiers internationaux.

On appelle opération à terme celle par laquelle un vendeur et un acheteur s’engagent réciproquement, l’un à livrer les titres objets du contrat, l’autre à les payer à une date ultérieure, à un prix fixé le jour de la négociation. Les opérations à terme peuvent se faire les « mains garnies » ou à découvert. Dans le premier cas, celui des opérations « sérieuses », le vendeur dispose lors de la conclusion du contrat des titres (couramment déposés auprès d’un intermédiaire), tandis que dans le second cas, celui du « jeu », le vendeur n’a pas les titres au moment de la négociation. Les opérations « mains garnies » se soldent normalement par l’échange effectif des titres négociés, alors que les opérations à découvert se soldent par le règlement des « différences ». Si les parties ne souhaitent pas livrer ou recevoir les titres, elles peuvent en effet effectuer une opération en sens contraire à la première et, à échéance, ne décaisser ou encaisser que la différence entre le prix d’achat et celui de vente. Dès lors, ces opérations « différentielles » n’ont plus pour objet l’échange de titres, mais la transaction elle-même.

Ces opérations différentielles font courir aux parties un risque de défaut, qui naît du délai que les deux parties s’accordent entre la conclusion du contrat et le dénouement de l’opération. Entre temps, il peut intervenir une variation inattendue de la richesse nette de l’une de ces deux parties, qui affecte sa capacité à remplir ses obligations. Plus le dénouement du contrat est éloigné de la négociation, plus l’exposition à ce risque est élevée car la probabilité de chocs imprévus cumulés s’accroît. Néanmoins, les opérations de bourse donnent naissance à des rapports bilatéraux entre quatre sujets : les deux donneurs d’ordres et leurs intermédiaires commissionnaires respectifs. Cette configuration reporte légalement sur l’intermédiaire de la partie défaillante le risque de défaut qui, sinon, aurait pesé sur l’autre partie au contrat. Pourtant, si le nombre des clients qui se dérobent est suffisant, alors l’actif de l’intermédiaire peut ne pas suffire à désintéresser entièrement les créanciers qui subissent par conséquent des pertes. De plus, les intermédiaires boursiers sont soumis à un autre risque, celui de contrepartie. La défaillance de l’un d’entre eux peut provoquer des pertes chez ceux avec lesquels il a noué des opérations. Les pertes peuvent être telles qu’elles déclenchent des défaillances en chaîne, faisant ainsi advenir une crise systémique qui peut provoquer la faillite de tous les intermédiaires et donc de la bourse.

Or les opérations à terme sans le dépôt préalable des titres et du prix auprès de l’intermédiaire chargé de la transaction en vigueur sont restées illégales jusqu’en 1885. Le dépôt préalable empêche à la transaction de devenir l’objet de la transaction et transforme de facto l’opération à terme en une opération à comptant avec exécution différée, ce qui lui fait perdre tout intérêt. C’est pourquoi les transactions sans dépôt représentent en pratique la totalité des opérations à terme tandis que les différentielles, à cette époque, sont environ dix fois celles qui se concluent par la livraison et le payement des titres. En outre, l’illégalité des opérations à découvert ajoute un aléa juridique au risque lié à la fluctuation des cours. À échéance, la partie débitrice peut se dérober, et si l’intermédiaire recourt aux tribunaux pour l’obliger à payer, ces derniers peuvent accepter « l’exception de jeu » (art. 1965 du Code civil) que le débiteur mauvais payeur invoque. Puisque le code ne reconnaît pas l’incertitude comme cause « sérieuse » d’une convention, alors le tribunal peut considérer l’opération à découvert comme un jeu et ne pas obliger le débiteur à payer s’il considère que l’opération n’est pas sérieuse. Pour les clients des intermédiaires boursiers, c’est la possibilité d’une spéculation sans risque : si elles gagnent, elles encaissent ; si elles perdent, elles ne payent pas.

Proudhon essaie, à l’instar des juges, de distinguer les opérations sérieuses de celles qui ne le sont pas. Encore aujourd’hui, on recherche trop souvent semblable critère essentiel quand il s’agit de distinguer la « bonne » innovation financière de la « mauvaise » spéculation, ou de suspendre la vente à découvert. Selon Proudhon, l’aléa inscrit dans la nature même de la spéculation est nécessairement porteur d’un risque dont la rémunération est toujours un « agio », et c’est bien cet agio qui ouvre la porte à l’abus. S’il compense uniquement le risque que toute combinaison spéculative liée à la production génère, alors « l’agio est légitime » (p. 71 éd. è®e). A contrario, lorsqu’il est recherché pour soi – « l’agio pour l’agio », comme dans les opérations différentielles où l’objet de la transaction devient la transaction en elle-même et non plus les titres sous-jacents –, il entre dans la catégorie du pari et du jeu. Il serait alors non seulement sans aucune valeur sociale, mais il détournerait surtout les capitaux de leur emploi productif. D’après Proudhon, la possibilité d’un agio légitime, consubstantielle à la production dans un régime capitaliste intrinsèquement aléatoire, porte en soi, nécessairement, les opportunités d’agio illégitime. En conséquence, nous dit Proudhon, le seul moyen d’éliminer l’agio serait la suppression de la bourse et l’éradication du système capitaliste [5].

Si l’on envisage de changer de système, alors plusieurs mondes sont pensables, et parmi eux se trouve le mutuellisme que Proudhon préconise. Si l’on considère que les conditions de possibilité pour un tel changement ne sont pas d’actualité, faut-il pourtant renoncer à la moindre réforme ? N’est-il pas alors possible de distinguer les opérations à terme qui ont une valeur économique de celles qui sont strictement chrématistique ?

Réformes et régulations

La théorie économique – que Duchêne semble davantage maîtriser que Proudhon (voir le chapitre IV de la première partie, éd. Garnier 1857) – montre la valeur des opérations différentielles : elles procurent de la liquidité [6]. Si l’on raisonne à système inchangé, une bourse liquide fait baisser le coût du capital pour les émetteurs car les investisseurs sont à même, à n’importe quel moment, de liquider leur investissement « avec le simple ministère d’un agent de change » (p. 74, éd. Garnier 1857). Duchêne semble comprendre le rôle primordial de la liquidité dans la mobilisation du capital : sans cette garantie de sortie, les investisseurs ne seraient pas disposés à acheter des titres ou sinon ils demanderaient une prime de risque d’illiquidité qui augmenterait d’autant le coût du capital pour l’émetteur. En fait, toutes les opérations différentielles contribuent à la liquidité des marchés. « L’agio pour l’agio » a une fonction économique : il permet la mobilisation du capital qui, à son tour, permet l’accomplissement d’œuvres dont Duchêne ne manque pas de faire l’éloge (voir le chapitre IV de la 1re partie, p. 70 et suiv. éd. Garnier, 1857).

Cela revient-il pourtant à dire qu’il faut laisser la bride au cou des « pirates » et que la spéculation doit pouvoir s’exercer sans contrainte aucune ? Certainement pas. Pourtant, hier comme aujourd’hui, la critique fondée sur le type d’opérations ne nous semble pas opérationnelle puisque il est difficile de se rapporter à la nature du contrat pour distinguer la « bonne » de la « mauvaise » spéculation. On devrait davantage porter l’attention sur le marché où l’opération est réalisée et sur les intermédiaires qui l’exécutent : les risques liés aux opérations ne sont pas indépendants du marché où ces opérations sont exécutées. La négociation sur un marché réglementé et transparent n’implique pas les mêmes risques que la négociation sur un marché de gré à gré, opaque et anonyme. Les marchés réglementés ne correspondent pas à l’image d’Épinal, mais hier comme aujourd’hui les excès, d’échange et autres, trouvent dans les marchés peu ou pas réglementés un terrain fertile où se former.

En France, au XIXe siècle, la construction sociale et institutionnelle de la Compagnie des Agents de change de Paris, les intermédiaires boursiers officiels, est indissociable de la volonté de se prémunir contre les risques qui dérivent de ces opérations différentielles et des coups de bourse dont elles sont souvent les instruments. L’organisation de la bourse officielle de Paris est en effet façonnée pour créer un marché transparent, relativement stable et sûr. La transparence permet de réduire (sans jamais les éliminer tout à fait) les problèmes d’asymétrie d’information, de rendre plus difficiles les délits d’initié (ou au moins d’augmenter la probabilité que ces délits soient portés à la connaissance du public) et de faciliter la confrontation de l’offre et de la demande. Ensuite, des règles strictes de l’échange ont pour but de réduire les risques de marché en contenant l’auri sacra fames des clients. Enfin, la garantie de bonne fin des opérations à la bourse officielle assure à ses clients qu’ils ne perdront pas un centime en cas de défaut d’un agent de change. Cette organisation a permis aux agents de change de légitimer les opérations qu’ils exécutaient en démontrant la fiabilité de leur organisation [Hautcoeur-Riva 2009, Lagneau 2009, Lagneau-Riva 2010, Riva-White 2010, Verley 2007].

Le paradoxe d’une stabilisation de la bourse par la légalisation des opérations spéculatives n’est qu’apparent. Quelles étaient en fait les conséquences de l’agencement des responsabilités juridiques entre parties contractantes et intermédiaires qui découlait de l’illégalité des opérations à terme et de l’incertitude de la jurisprudence des tribunaux ? L’instabilité du marché par la spéculation sans risque accroissait l’instabilité des intermédiaires [Riva-White, 2010]. En revanche, la légalisation des opérations à terme trois ans après le krach de 1882 a diminué la volatilité des cours [Hautcoeur-Riva, 2009] et réduit le nombre de faillites d’intermédiaires [Lagneau-Riva 2010 et Riva-White 2010], sans que la liquidité du système soit compromise [Hautcoeur-Rezaee-Riva 2010]. Plutôt que de vouloir séparer le bon grain de l’ivraie, l’histoire boursière nous enseigne que le plus important consiste à bien séparer les marchés réglementés des marchés de gré à gré et à bien veiller à ce que les intermédiaires des premiers et les banques ne s’aventurent pas sur les seconds.

Si l’on peut faire un reproche aux auteurs de l’introduction du volume, c’est bien celui-ci : ils ont résumé l’histoire de la bourse de Paris des années 1850, sans insister sur son organisation socio-institutionnelle. Rares sont en fait les références concrètes aux marchés boursiers et à leurs intermédiaires (comme les agents de change et les coulissiers, ces opérateurs officieux mais tolérés dans les années 1850 de la Coulisse). Les éditeurs ont fait le choix de travailler davantage sur les représentations sociales de la bourse et, comme Proudhon (mais non pas Duchêne) l’a fait, de souligner excessivement les scandales qui ont rythmé l’époque. La bourse de Paris et ses opérateurs n’étaient ni parfaits ni sans reproches. Pourtant, ils n’ont pas démérité dans leur fonction d’auxiliaires du financement de l’économie et de fournisseurs de liquidité [Gallais-Hamonno-Hautcoeur 2007]. Surtout, l’organisation corporative des intermédiaires boursiers officiels nous rappelle que l’autorégulation ne peut être que la contrepartie d’une discipline non seulement admise mais bien incorporée par les opérateurs de bourse, et cela ne peut être le fait que d’un renouveau moral et éthique : un système structuré d’incitations institutionnelles doit en guider les actions. Si le temps des officiers ministériels à la bourse est révolu, l’autorégulation strictement conditionnelle à une discipline exemplaire sur la longue période constitue, encore aujourd’hui, une puissante idée régulatrice.

par Angelo Riva, le 13 janvier 2010

Aller plus loin

Références bibliographiques

 Gallais-Hamonno G., Hautcoeur P.-C. (dir.), Le Marché financier français au XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2007, 2 vol.

 Lagneau P., La Compagnie des agents de change de Paris. Socio-histoire d’une corporation, thèse de doctorat, EHESS, 2009.

 Lagneau P., Riva A., « Les opérations à terme à la Bourse de Paris au XIXe siècle », in Stanziani A., Levratto N. (dir.), Droit et crédit : la France au XIXe siècle, Bruylant, 2010, à paraître.

 Hautcoeur P. C., Riva A., « The Paris Financial Market in the 19th Century : an efficient multi – polar organisation ? », WP Ecole d’Economie de Paris/Paris School of Economics, n° 2007-31.

 Hautcoeur P.-C., Rezaee A., Riva A., « How to regulate a financial market ? The impact of the 1893–1898 regulatory reforms on the Paris Bourse », WP Ecole d’Economie de Paris/Paris School of Economics, n° 2010-01.

 Minsky H., « The Financial Instability Hypothesis : Capitalistic Processes and the Behavior of the Economy », in Kindleberger C.P., Laffargue J.P.(dir.), Financial Crisis : Theory, History and Policy, Cambridge, Cambridge University Press.

 Riva A., White E., « Danger on Exchange : Counterparty Risk on the Paris Stock Exchange in the XIXth Century », NBER Working Paper n° 15634, January 2010.

 Stanziani A., Levratto N. (dir.), Droit et crédit : la France au XIXe siècle, Bruylant, 2010, à paraître.

 Verley P., « Les opérateurs du marché financier parisien », dans Gallais-Hamonno G., Hautcoeur P.-C. (dir.), Le Marché financier français au XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2007, vol. 2.

Pour citer cet article :

Angelo Riva, « Quand Proudhon critiquait la spéculation », La Vie des idées , 13 janvier 2010. ISSN : 2105-3030. URL : https://mail.laviedesidees.fr/Quand-Proudhon-critiquait-la

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Notes

[1Pour des raisons d’espace, notre commentaire se concentre sur les vues boursières de Proudhon. On laisse ainsi de côté le mutuellisme, ce système économique que le théoricien propose en lieu et place du capitalisme financier des années 1850.

[2Lettre de Proudhon à Suchet, 14 décembre 1853, reprise page 23 de l’introduction, éd. è®e. On citera l’édition de 1857 des frères Garnier lorsque le passage n’est pas compris dans l’anthologie de l’édition è®e.

[3Lettre de Proudhon à Besley du 26 octobre 1856, citée dans l’introduction de l’édition è®e, p. 27.

[4Il semblerait parfois que cela n’a pas vraiment changé en ce début de XXIe siècle. Que l’on pense à l’incroyable relaxe des dirigeants d’EADS soupçonnés de délits d’initiés.

[5Proudhon propose à la place son mutuellisme fondé sur des coopératives de production et de consommation ainsi que sur le crédit gratuit octroyé par les producteurs aux producteurs et facilité par une banque d’échange de nature pour le moins incertaine.

[6L’argument utilisé dans la postface par Jorion pour se débarrasser rapidement – trop peut être – de la valeur économique de la liquidité ne nous semble pas pertinent : s’il est vrai qu’un spéculateur « habile » tente de ne pas afficher ses ordres pour ne pas dévoiler sa position et qu’en satisfaisant les ordres techniquement il consomme de la liquidité, il n’est pas moins vrai que les ordres affichés par les fournisseurs de liquidité doivent bien être satisfaits par d’autres opérateurs pour devenir des transactions.

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